Publié le Laisser un commentaire

Faut-il dire « dièse 11 » ou « bémol 5 » ?

C’est une question que l’on me pose assez souvent : faut-il parler de onzième augmentée – #11 – ou de quinte diminuée – ♭5 ? Voici quelques éléments de réponses simples et concrets pour nous aider à y voir plus clair.

Enharmonies

Tout d’abord, rappelons que la quarte (4te) augmentée et la quinte (5te) diminuée sont des enharmonies, c’est-à-dire que ces deux notes produisent le même son, mais qu’elles ont à l’évidence des noms différents. Du point de vue de la fréquence, un fa# et un sol♭ sont synonymes et se confondent.

Au piano c’est évident, au violon et avec les instruments non frettés, c’est plus délicat, mais je ne rentre pas plus en détail dans la construction historique des systèmes utilisés. Sachons simplement que cette distinction est particulièrement pertinente avec des instruments ou des systèmes tempérés.

Si la 4te augmentée et la 5te diminuée produisent le même son, elles n’ont en revanche, lorsqu’elles sont mises en relation avec un accord, pas la même nature : la 11e augmentée est une note d’extension ; la 5te diminuée fait partie de la tétrade. Cette distinction est cruciale et nous permettra de mieux comprendre les choix harmoniques qui en découlent.

Tétrades et extensions

La tétrade est composée de quatre notes : la fondamentale ① ; la tierce ③ ; la quinte ⑤ ; et la septième ⑦. Lorsque l’on dit que la 5te est altérée, qu’elle soit dièse ou bémol, cela signifie qu’elle n’est pas juste. En C7 par exemple, la précision (b5) indique la présence de la note sol♭, qui vient remplacer le sol. Pas de coexistence, pour le dire autrement, entre 5te juste et altérée. C’est l’une ou l’autre.

Les notes d’extension, elles, viennent compléter les notes de la tétrade et sont pensées, dans leur construction initiale, au-dessus de la dernière note de la tétrade, d’où le qualificatif d’extension. Ces notes, ensuite, peuvent être ramenées au sein de la tétrade et côtoyer l’une des quatre notes structurelles ( ① ③ ⑤ ⑦ ), mais elles conservent leurs noms (9, #11, ♭13…).

Ainsi apparaît le premier élément qui va nous permettre d’établir une distinction logique entre ces deux éléments : la ♭5 suppose l’absence de 5te juste ; la #11 suppose la présence additionnelle de la 5te juste.

Association

On comprend, à la faveur de ces critères, que c’est la présence ou non de la 5te qui va conditionner l’une ou l’autre nomenclature, ce qui signifie conséquemment que c’est l’identité du mode ou de l’échelle associée qui va décider de l’appellation.

Si l’on considère l’accord X7(♭5), on peut établir deux grandes associations : l’échelle unitonique (la gamme par ton) et le mode locrien♭4 (gamme altérée). Ces deux gammes sont associées à un accord de dominante et contiennent une 5te altérée. Si c’est l’une de ces deux couleurs qui prédominent, on préférera ainsi parler de 5te diminuée, laissant clairement entendre que la 5te juste ne sera pas entendue.

Si l’on considère à présent l’accord X7(#11) ou sa version pandiatonique X13(#11), on fait alors plutôt référence au mode lydien♭7 (lydien dominante), laissant clairement entendre à la fois la 4te augmentée – le fa# , mais aussi la 5te juste – le sol.

Il en va de même pour l’accord X13(♭9) que l’on associera volontiers à la gamme 1.2. (gamme ½ ton – ton), issue de l’échelle double diminuée où apparaît à la fois la 5te juste et la #11.

Notons enfin ici les limites de cette distinction puisqu’un système de huit sons (telle que la gamme 1.2) suppose l’apparition d’un degré itératif, c’est-à-dire deux notes portant le même nom, mais des qualificatifs et des sons différents, par exemple ici mi et mi♮.

Coda

On le comprend, le choix de préciser ♭5 ou #11 est une façon de faire plutôt référence à un système ou à une échelle. Si les enharmonies restent possibles (à condition de rester cohérent avec la mélodie), la précision du chiffrage aura pour vertu de faciliter le travail de l’harmoniste et de guider l’improvisateur dans ses choix mélodiques.

ATTENTION : #IV (fa# en Do) fait référence au degré de la gamme ; #11 fait (toujours fa# en Do) fait référence à la note d’extension. Il s’agit de la même note, entendue éventuellement à la même hauteur, mais faisant référence à des systèmes différents.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *