Voici dans la foulée la 3e et la 4e position fondamentale à connaître afin de maîtriser les bases de l’harmonisation.
N’hésitez pas à télécharger le PDF, à me laisser un petit mot en commentaire ou à poser des questions.
Bon travail à tous !
Voici dans la foulée la 3e et la 4e position fondamentale à connaître afin de maîtriser les bases de l’harmonisation.
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Tout d’abord, il est impératif d’établir une distinction entre la longueur et la souplesse des doigts. Si la souplesse peut s’acquérir par le travail, la taille de la paume, elle, sauf mutation génétique indésirable, n’évoluera plus passé un certain âge. Cet écart variable qui peut être développé entre deux doigts (et donc entre deux notes) est important, car avec un peu d’entraînement, on peut obtenir un son relativement proche de celui produit sans effort par des grandes mains. En musique classique, il existe au demeurant toute une littérature pianistique (des exercices de Brahms aux études de Chopin) destinée à étirer et à assouplir la main de l’exécutant. Mais en la matière, il faut reconnaître que la nature a ses limites : à part les jeunes enfants, les tendons n’iront pas au-delà d’un certain degré de tension, même avec beaucoup d’acharnement. Comme dans le sport, les ordres musculaires qui n’ont pas été donnés suffisamment tôt privent l’instrumentiste d’un précieux capital (sans excéder ses prédispositions, cela va sans dire). Cela ne signifie nullement que les adultes ne doivent pas commencer, même très tardivement, la pratique pianistique, mais plutôt qu’ils doivent le faire en ayant ces limitations à l’esprit et donc toujours en se soumettant au respect du corps et de ses lois mécaniques.
Ce qu’il faut rappeler ensuite, c’est que ce désappointement des gens petitement dotés (je parle toujours des mains) est aussi vieux que l’instrument lui-même. De fait, les artistes n’ont pas attendu le jazz ou le death metal pour se bousiller les avant-bras à coups d’étirements dignes d’une séance de torture moyenâgeuse.
Les appareils de coercition physique (comme ceux qui ont prématurément mis un terme à la carrière de Schumann) ou les exercices de toutes sortes ayant entraîné des blessures graves sont apparus tout naturellement au XIXe siècle, avec ce qu’on a coutume d’appeler la technique pianistique moderne.
Mais il est vrai que certains jazzmen (songeons par exemple à Art Tatum) ont popularisé l’usage des positions larges et des 10e à la main gauche, rendant certains accords tellement indissociables du style que leur possibilité d’exécution semblait au final en conditionner la pratique. Autrement dit : petites menottes, passez votre chemin !
En réalité, parler de la taille de la main, c’est poser la question plus générale de la limite naturelle du corps et du rapport psychologique entretenu avec ces mêmes limitations.
Tous les guitaristes le savent : Django Reinhardt jouait admirablement alors qu’il avait une main handicapée. De même, tous les trompettistes vous raconteront comment Chet Baker a eu les dents cassées en prison et comment il a dû modifier son embouchure sur le tard, renonçant aux « extrêmes » aigus.
Tous les pianistes, en revanche, ne savent pas forcément qu’Erroll Garner avait des mains qualifiées de petites par ceux qui l’ont approché — et qui s’en sont étonnés, au regard de son célèbre jeu en octaves.
On pourrait aussi parler des musiciens qui jouent avec des paralysies, de l’arthrose, une phalange en moins ou qui remontent sur scène longtemps après qu’un AVC leur a presque totalement ôté le souvenir de la façon dont leur instrument fonctionne (tels ces guitaristes de rock, qui doivent réapprendre patiemment sur quelle pédale appuyer avant de faire un solo).
Au vrai, tous ces exemples nous fournissent un précieux (r)enseignement : il est toujours possible, dans le jazz, d’adapter sa pratique instrumentale à sa condition physique, possible de trouver des solutions techniques. Vous ne pouvez pas jouer de 10e à la main gauche ? Ma foi, vous les jouerez en deux temps, en intervalle brisé ! Vous ne pouvez pas faire sonner cette position que vous avez relevée et qui vous plaît tant ? Eh bien, vous la découperez, vous exprimerez les voix dans un ordre qui convient à votre physiologie ! Vous ne pouvez jouer que la gamme pentatonique ? Qu’à cela ne tienne, vous serez guitariste !
La liste est évidemment infinie, mais l’essentiel est là : le jazz, et la liberté inhérente à ce style, nous permet toujours de trouver une « astuce ». Ce qui est inconcevable dans une sonate de Beethoven ou dans un concerto de Rachmaninov n’a tout simplement aucun sens chez nous. Vous avez retardé l’expression de la 11e dièse parce qu’elle vous était inconfortable à cet endroit du thème ? Dormez tranquille, les musicologues ne vous feront pas un procès.
Au reste, plus votre culture sera large, et plus vous aurez le choix des positions, des renversements, et des évolutions harmoniques tolérables — c’est-à-dire de celles qui sont respectueuses à la fois de l’œuvre et de votre chère mimine. Le monde du jazz, heureusement, n’est pas celui de l’opéra — où l’on vous attribue une bonne fois pour toutes un répertoire et des rôles en fonction de votre tessiture, par définition immuable.
Oui, mais si je veux quand même jouer comme Art Tatum ? Sans tricher ? Sans rien modifier à ce qu’il fait ? En retrouvant exactement le même son ? (Vraiment, vous ne voulez pas plutôt vous mettre à la guitare ?)
Trêve de sarcasmes, nous voici au cœur du sujet. On aura beau retourner le problème dans tous les sens, la sagesse ou la maturité de l’exécutant consiste à comprendre et accepter ceci : chaque musicien est unique, chaque artiste construit un édifice musical selon une architecture physique, mais aussi psychologique et émotionnelle qui n’appartient qu’à lui. Passé la phase (chagrine ou enivrante) d’imitation, la question n’est pas de se demander comment faire pour retrouver exactement le même son que Bill Evans ou Brad Mehldau ou Oscar Peterson, mais plutôt de chercher à repérer et à s’imprégner d’éléments de langages particuliers. Pour le dire autrement, ce n’est pas de la singerie que naît le style, mais d’une greffe, de l’intégration d’un vocabulaire nouveau à sa propre personnalité, à son unique processus créatif.
Bien sûr se pose la question du relevé. Il faut tenter d’imiter le plus possible les phrases que l’on a transcrites. Soit, l’argument paraît faire mouche. Toutefois, si l’on n’y songe un tout petit peu, le concept reste inchangé. Car à travers le relevé, c’est bien une articulation, un doigté, un son qu’on tente de retrouver, tout en sachant pertinemment qu’il ne peut s’agir que d’une approximation, que d’un mimétisme plus ou moins réussi… c’est-à-dire plus ou moins raté !
La donnée originale est, par essence, inimitable. Le mimétisme a pour finalité de nous faire progresser, de nous amener à développer de nouveaux réflexes, de nous proposer de nouvelles pistes, mais en aucun cas de nous pousser à devenir quelqu’un d’autre. Artistiquement et humainement, cela n’aurait aucun sens. Chaque être est unique, possède une histoire, une énergie ainsi qu’un diamètre palmaire qui lui est unique. Et c’est très bien comme ça.
Surtout, il nous faut rappeler le risque majeur encouru par ceux qui s’entêteraient à reproduire des écarts ou des phrases non adaptés à leur morphologie : au mieux, la dépression ; au pire, la blessure. Sachons rester humbles, conscients de nos limites et toujours animés par la seule logique, la seule exigence devant égaler, voire supplanter notre désir d’excellence : prendre du plaisir afin de pouvoir en donner.
Pour répondre à la question posée initialement dans ce billet, je clamerai bien évidemment que la taille de la main n’a absolument aucune incidence sur la pratique spécifiquement intelligente et libérée du jazz. Tout juste admettrai-je que les petites mains disposent d’un avantage indéniable : elles peuvent aller chercher le crayon qui est tombé, là, juste là, derrière le clavier… devant les marteaux… près des cordes…
Quant à savoir si les virtuoses de la cornemuse sont également des adeptes discrets du nudisme, seul un grand initié écossais nous le dira.
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Liens pour réécouter l’émission : https://www.radio-libertaire.org/podcast/z_commun/emission_aff.php?id_e=100&id_c=33&bout=tableau https://www.radio-libertaire.org/podcast/z_commun/emission_aff.php?id_e=42&id_c=34&bout=tableau
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C’est une question que l’on me pose assez souvent : faut-il parler de onzième augmentée – #11…
Découvrez dans cette vidéo les multiples formes que peut revêtir une cadence.
Apparemment farfelue voire inutile, la capacité de jouer virtuellement son instrument revêt en réalité une importance particulière pour tout musicien soucieux d’apprendre en profondeur un thème ou un arrangement. C’est également un excellent moyen de se prémunir contre le trac ou les trous de mémoire !
Découvrez la marche à suivre dans cette vidéo.
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8. Position ① ③ ⑤ ⑥ et ① ③ ⑥ ⑤
Outre les positions avec 7e que nous venons d’étudier, cette étape d’acquisition du langage harmonique doit inclure les tétrades X6 et Xm6. Les positions issues de ces accords vont en effet nous permettre d’exprimer des toniques majeures et mineures dont le degré de stabilité sera accru par la présence de la 6te. Les exercices suivants nous prépareront également à l’étude des accords X6/9, Xm6/9 et Xmaj13 que nous aborderons avec les accords de 5 sons et plus.
Contrairement aux exercices précédents, nous allons enchaîner dans la même séquence deux positions possibles (pour l’accord majeur et mineur) en inversant les deux voix supérieures, tout en conservant le même rapport entre la basse et le ténor. La mélodie fera par conséquent entendre alternativement la 6te puis la 5te de l’accord.
On continuera de considérer les tonalités enharmoniques et de suivre le doigté indiqué.
Exercice 7
9. Position ① ⑤ ⑥ ③ et ① ⑤ ③ ⑥
Avec les positions suivantes, la basse et l’alto conservent un rapport de 5te. La 3ce puis la 6te sont alternativement exprimées au chant.
Exercice 8
10. Position ① ⑥ ③ ⑤ et ① ⑥ ⑤ ③
Dans les positions suivantes, la basse et le ténor conservent un rapport de 6te. La mélodie fait entendre successivement la 5te et la 3ce de l’accord.
Exercice 9
11. Rappel des 12 positions étudiées
Le tableau ci-dessous reprend les 12 positions fondamentales que nous venons d’étudier sur un accord de tonique, en Sol majeur. Pour préparer les marches suivantes et l’harmonisation pratique d’une mélodie, il faut prendre l’habitude de bien analyser la nature de la note qui se trouve au soprane (ici en noir).
Pour préparer cette analyse mélodique, on peut regrouper et appairer ces mêmes positions non plus selon leur ordre d’apparition dans l’évolution de la tétrade, mais bien en fonction de la note qui se trouve au chant (comme présenté dans le tableau suivant, en Fa majeur pour l’accord de sous-dominante, et en Sol mineur pour l’accord de tonique).
12. Évolution de la tétrade
À partir des exercices précédents, il est très facile d’intégrer de nouveaux accords en modifiant une des notes de la tétrade. On passe par exemple de l’accord Xm7 à l’accord Xm(maj7) ou de l’accord X°7 à l’accord en X°(maj7) en naturalisant la 7e de ces accords ; de même, on transforme l’accord Xmaj7 en Xmaj(#5) en haussant sa 5te. Il est important de rappeler que la modification d’un accord est indépendante de sa position. Autrement dit, l’altération éventuelle d’une note de la tétrade n’est pas liée à sa place dans une position spécifique, comme le montre le tableau suivant.
Ces évolutions sont dépendantes de la bonne connaissance du matériau de base que nous venons d’étudier, et peuvent faire l’objet, au besoin d’une nouvelle série d’exercices, telle que la transposition d’une unique position modifiée.
Dans l’exercice suivant, l’accord Xm(maj7) en position ① ⑦ ③ ⑤ est transposé dans tous les tons en suivant le cycle des 5tes adapté au registre.
Exercice 10
4. Position ① ⑤ ⑦ ③
Avec la position suivante, la basse forme un intervalle de 5te avec le ténor ; de 7e avec l’alto ; de 10e avec le soprane. Les deux voix internes forme un intervalle de tierce ; les deux voix supérieures un intervalle de quarte. (La nature de ces intervalles varie en fonction du type d’accord.)
C’est toujours la 3ce de l’accord qui se trouve à la mélodie.
Exercice 3
5. Position ① ⑤ ③ ⑦
Avec la position suivante, les deux voix inférieures et supérieures forment un intervalle de 5te. Le ténor et l’alto forment un intervalle de tierce. C’est toujours la 7e de l’accord qui se trouve à la mélodie.
Exercice 4
6. Position ① ⑦ ③ ⑤
Avec la position suivante, la basse forme un intervalle de 7e avec le ténor et de 10e avec l’alto. Les voix centrales forment un intervalle de quarte ; les voix supérieures un intervalle de tierce. C’est toujours la 5te de l’accord qui se trouve à la mélodie.
Exercice 5
7. Position ① ⑦ ⑤ ③
Avec la position suivante, les deux voix supérieures sont inversées et forment un intervalle de 6te. La 5te est à l’alto, et c’est toujours la 3ce de l’accord qui se trouve à la mélodie.
Exercice 6
Avant d’étudier des marches et des enchaînements spécifiques devant nous conduire à l’harmonisation concrète d’une mélodie, il est primordial de parfaitement connaître la tétrade, c’est-à-dire les quatre notes qui constituent les principaux accords que nous allons utiliser. Cette maîtrise de base doit inclure : les notes et les intervalles qui composent un accord donné ; le nom et la sonorité de cet accord.
Si l’on considère les triades (majeures, mineures, diminuées et augmentées) auxquelles on ajoute une 7e (majeure, mineure ou diminuée) ou une 6te majeure ; et si l’on considère l’accord isolé X7(♭5), basé sur une triade non conventionnelle, que l’on associe à l’accord de sixte augmentée[1], on obtient alors douze types d’accords possibles, douze tétrades.
Dans cette partie nous aborderons uniquement les accords Xmaj7, X7, Xm7, Xm7(♭5), Xdim7, accords dont nous avons besoin pour construire la cellule élémentaire d’un morceau tonal : la cadence.
Nous étudierons différentes positions qui seront pour l’instant toujours exprimées à l’état fondamental.
Ce travail bien assimilé, nous pourrons facilement ajouter des notes d’extensions ou des doublures choisies pour étoffer les progressions et passer à des accords de 5 sons et plus.
La toute première position étudiée correspond et se confond avec la construction élémentaire de la tétrade ; elle consiste en une triade majeure, mineure ou diminuée à laquelle on a ajouté une septième majeure, mineure ou diminuée[2]. Cette disposition élémentaire nous servira de base pour toute la suite de notre étude.
À ce stade, il est important que l’élève chasse les derniers doutes qui peuvent demeurer sur certains accords ou certaines tonalités moins usuelles que d’autres. Pour ce faire, il est indispensable de jouer les positions proposées, d’en analyser la composition, c’est-à-dire l’agencement spécifique des voix, de les nommer entièrement et précisément, sans avoir recours à des raccourcis de langage (on dira par exemple : « Do mineur sept bémol cinq » ou encore « Ré diminué sept »), et d’écouter le son particulier de chaque type d’accord et de chaque position. Chanter les notes qui composent une tétrade est en outre un excellent exercice de formation musicale.
Les notes caractéristiques générant la couleur spécifique d’un accord par rapport au précédent sont écrites en noir.
L’exercice suivant transpose ces cinq accords en suivant le cycle des 5tes. Il est important à ce stade de bien respecter le doigté indiqué et de jouer l’alto et le ténor avec les pouces afin de laisser une plus grande liberté de mouvement aux notes se trouvant aux parties extrêmes — et qu’un autre doigté aurait le défaut de figer.
Pour faciliter l’étude, on remarquera dans ce chapitre que certaines positions excèdent les limites d’intervalles préconisées. Ceci est dû à une volonté d’explorer le plus possible le registre central du clavier pour se focaliser sur la composition de la tétrade.
Avec la position suivante, l’alto et le soprane sont inversées : on obtient une sixte, majeure ou mineure entre ces deux voix supérieures. La basse et le ténor ne changent pas.
Il faut dès à présent prendre conscience que c’est la 5te de l’accord qui se trouve au soprane. Cette habitude de faire l’analyse mélodique en regard de l’harmonie revêtira un rôle capital pour la suite de l’étude.
Comme précédemment, l’exercice suit le cycle des 5tes et l’on continuera à bien suivre les doigtés indiqués.
(À suivre)
[1] Pour l’accord de sixte augmentée, cf. En Harmonie, tome 1, P. 140
[2] Pour une explication détaillée sur la construction des accords et la nature des intervalles qui les composent, cf. supra, chapitre 2 et 3
Contrairement aux partitions contenant la totalité des notes qui seront jouées une fois pour toutes, l’harmonisation des standards est par nature non fixée. Certes enviable, cette souplesse peut parfois laisser le jeune musicien de jazz désemparé, en particulier pour ce qui concerne les doigtés à employer. Comment décider de la meilleure façon d’exécuter un trait ou un accord… si celui-ci peut constamment changer ? Quel principe appliquer ? Là encore, la phase préparatoire va nous rendre de précieux services. À travers les nombreux exercices de transposition, nous aurons l’occasion de nous familiariser avec les principales positions et de développer des réflexes digitaux. Bien sûr, nous n’aurons pas réglé la totalité du problème, car il restera un travail d’adaptation à effectuer pour conclure l’étude, cependant nous aurons en quelque sorte préparé le terrain le plus possible et la main de l’élève trouvera vite des solutions logiques et naturelles.
Tous les doigtés qui sont proposés ici le sont à titre indicatif, même s’il s’agit de ceux que nous estimons les plus efficaces. Nous les préciserons pour chaque exercice, puis uniquement si cela s’avère nécessaire. Il faut donc, tant que l’on n’a pas rencontré une nouvelle indication, continuer d’appliquer le doigté précédemment donné.
Pour autant, le doigté parfait n’existe pas, et en réalité, seul importe le confort de l’instrumentiste qui doit toujours rechercher la solution la plus efficace lui posant le moins de contraintes physiques. À terme, l’aisance acquise doit permettre d’augmenter le tempo sans peine et sans dépense d’énergie inutile.
En jazz, il faut ajouter que certaines conduites de voix nous poussent à adopter des gestes et des doigtés souvent peu orthodoxes. Inévitables, ces entorses à la technique académique sont la résultante d’un langage dont la forme expressive est en constante mutation ; elles sont en ce sens tolérées et, au demeurant, attestées par les vidéos de maîtres dont nous disposons et qui montrent leurs mains en gros plan.
Nous préciserons l’ordre des notes qui composent chaque position nouvelle. Cet ordre sera indiqué par les chiffres cerclés ① ③ ⑤ ⑦ ⑨ ⑪ ⑬, correspondant aux notes de la tétrade et à ses notes d’extensions. Il est toujours exprimé du bas vers le haut. Nous utiliserons cette notation pour dissiper toute confusion avec les doigtés. Les altérations comprises dans le chiffrage d’accord ou « naturelles » ne sont pas reportées dans le cercle. Ainsi pour un Cm7, le chiffre ③ correspond bien à une 3ce mineure, sans qu’on ait besoin d’ajouter un bémol. De même, pour C7(♭9), le chiffre ⑨ correspond bien à un Ré♭, sans précision supplémentaire.
Pour désigner les notes constitutives d’un accord, nous ferons constamment référence aux voix (ou parties). Cette convention d’écriture, héritée de l’harmonie vocale, nous rappelle que chaque partie d’un accord peut être considérée selon sa tessiture, c’est-à-dire selon la possibilité de chanter plus ou moins haut, en fonction de son instrument vocal, dans une dimension horizontale et autonome. Il existe quatre voix distinctes : le soprane (ou soprano), voix la plus aiguë ; l’alto, 2e voix, ou voix se trouvant sous le soprane ; le ténor, 3e voix, se trouvant sous l’alto ; la basse, voix la plus grave.
Lorsqu’on analyse des accords de 5 sons, on peut considérer que la voix supplémentaire correspond à un divisi, c’est-à-dire à une division de la partie concernée en deux sous-parties. Il peut y avoir plusieurs divisis dans un accord, et autant de sous-parties (accords de 6 sons et plus).
En tant qu’expression ponctuelle et simultanée de plusieurs « voix », on peut considérer qu’une position spécifique atteint également des limites de tessitures, toutefois, cette restriction est essentiellement due aux limites d’intervalles. Les intervalles à prendre en compte sont ceux formés par la basse et le ténor. Il s’agit de l’intervalle de tierce, de quinte, de septième, de neuvième, de seconde, de quarte et de sixte.
Le tableau suivant recense les limites des intervalles formés par ces deux voix et principalement utilisés pour la construction des positions. Les intervalles mineurs ou diminués sont indiqués en noir ; les intervalles majeurs ou justes sont indiqués en clair ; les traits continus indiquent les limites supérieures et inférieures ; les traits en pointillé indiquent une absence de limite supérieure.
Si les limites que nous indiquons ici doivent permettre à l’élève de découvrir et travailler les positions dans un cadre pédagogique fécond, ce dernier doit garder à l’esprit que ces mêmes limites ne sont pas inamovibles. Une fois passée la phase d’apprentissage, et même si les grands principes de consonance liés à la hauteur des sons restent valables, on ne sera pas étonné de constater que certains harmonistes excèdent fréquemment les limites d’intervalles. Ces transgressions restent liées à un cadre artistique spécifique : tempo lent, parallélisme, création d’un climat musical particulier, recherche de « dissonance », etc. Pour le dire autrement, les repères ne sont pas absolument figés, et il ne faut pas hésiter à explorer régulièrement des sonorités au-delà des limites préconisées.
Ajoutons enfin que les pianos, notamment à queue, disposant d’une longueur satisfaisante de cordes (et bien accordés, cela va sans dire), offrent une plus grande tolérance inférieure aux intervalles, et que le toucher considéré comme la maîtrise digitale du volume des voix (un aspect de la technique pianistique trop souvent négligé) permet l’exacerbation ou l’atténuation sélective des éléments constitutifs d’un accord. En d’autres termes, une bonne technique autorise l’expression de certains intervalles au-delà des limites préconisées, à condition de pouvoir contrôler séparément la dynamique des deux voix inférieures (basse jouée f ou mf et ténor joué mp). Ces considérations, nonobstant, s’appliquent également et avant tout aux positions exprimées dans un registre conventionnel.
Chaque accord doit être appréhendé dans sa dimension orchestrale : la mélodie, le soprane, doit clairement prédominer (nuances mf à f); les voix qui accompagnent cette mélodie ne doivent pas l’écraser (nuances mp à p) — exception faite de la basse qu’on laissera saillir naturellement de l’accord pour lui conférer un ancrage satisfaisant.
Cette considération sonore est indispensable si l’on veut acquérir un beau son. Exprimer les bonnes notes ne suffit pas, il faut respecter ce principe d’étagement « vocal » naturel. Le cas échéant, les positions seront brouillonnes, déséquilibrées et au final inélégantes. Passée la phase d’apprentissage de la tétrade, ce principe devra être rigoureusement appliqué dès l’étude des premiers enchaînements.
En cas de doute, on pourra passer par une étape transitoire où les accords seront joués en arpèges très rapprochés ou roulés, voire égrainés, ceci favorisant la prise de conscience du son désiré par la mise en exergue décalée de la ligne mélodique.
La figure ci-dessous propose trois manières de jouer un même enchaînement :
— en l’exprimant d’une façon unitaire et verticale (c’est-à-dire en mettant suffisamment de poids sur le 5e doigt pour faire ressortir le soprane) ;
— en roulant l’accord d’une manière assez serrée afin de faire « jaillir » le soprane ;
— en égrainant l’accord d’une façon plus espacée afin d’éprouver et de contrôler la nuance produite par chaque doigt.
L’enharmonie permet de considérer des sons identiques selon des noms différents. Au cours de notre travail, il sera nécessaire de faire régulièrement un travail de transposition enharmonique. Dans le jazz, il est en effet fréquent de jongler avec au moins deux paires tonales : Do dièse / Ré bémol ; Fa dièse / Sol bémol. On rencontrera d’autres enharmonies, mais celles-ci sont les plus fréquentes et doivent (indépendamment de l’analyse qui exclut le plus souvent une tonalité au profit d’une autre) être pensées et jouées séparément et alternativement.
L’exemple suivant reprend une cadence exprimée dans des tonalités enharmoniques.
Une des clés de l’apprentissage consiste à maîtriser les positions et les enchaînements dans tous les tons. Cette habitude a pour objet de parfaitement valider la connaissance d’un élément de langage nouveau et de se préparer à sa mise en œuvre dans n’importe quel contexte. Pour ce faire, chaque exercice explorera donc les douze tonalités (ainsi que deux paires enharmoniques) en suivant différents cycles :
— le cycle des quintes (justes, ascendantes ou descendantes) qui couvrent toutes les tonalités ;
— la gamme par ton (ou échelle unitonique) qui devra être transposée une fois pour couvrir toutes les tonalités ;
— l’échelle diminuée qui devra être transposée deux fois pour couvrir toutes les tonalités.
Ces cycles utiliseront l’écriture enharmonique ; ils ne seront jamais joués de bout en bout sans changement de sens, mais systématiquement adaptés à la hauteur de la position, c’est-à-dire en les passant à l’octave inférieure ou supérieure chaque fois que cela sera nécessaire pour respecter les limites d’intervalles.
Cycle de 5tes linéaires
L’agencement linéaire faisant entendre certaines positions au-delà des limites d’intervalle prédéfinies (figure 1), il doit être remanié et adapté au registre (figure 2).
Les endroits dans le cycle où il faudra effectuer ces passages à l’octave seront dépendants des intervalles utilisés : ils changeront donc en fonction de chaque position et reposeront comme toujours sur la bonne connaissance des limites de tessitures.
Pour ne pas surcharger l’ouvrage et permettre à l’élève de clairement percevoir les temps forts et faible d’une cadence, nous présenterons chaque progression selon un rythme harmonique simple et une métrique le plus souvent binaire. Nous pensons que l’harmonie est une discipline complexe, et qu’elle nécessite, au début, de ne pas se télescoper avec un autre domaine d’étude.
Pour autant, il faut bien reconnaître que le jazz du 21e siècle est résolument complexe du point de vue rythmique. Le musicien chevronné ne peut plus se permettre d’ignorer les métriques impaires et se doit d’être aussi à l’aise en 5/4 ou 7/8 qu’en 4/4 ! À cet effet, nous proposons des variations de métriques sur des exercices déjà étudiés afin de permettre au lecteur de se familiariser avec ces signatures rythmiques de prime abord déconcertantes. Ce cadre familier permettra de développer de nouveaux réflexes de placement rythmique qui se révéleront utiles en situation de jeu.
N’hésitez pas à commenter ou à m’envoyer vos remarques. Vous pouvez aider à la maintenance du site en faisant l’acquisition d’une partition ou d’une vidéo.
Les Bases de l’harmonisation est un projet qui me trotte dans la tête depuis un moment, largement encouragé par mes élèves qui me demandent régulièrement de regrouper l’ensemble des exercices qu’ils ont travaillés sous ma supervision et qu’ils aimeraient posséder aux fins de révision sous forme d’ouvrage. J’en ai commencé la rédaction en 2017 (nous sommes en 2022 au moment où je rédige ces lignes). On s’étonnera de cette lenteur (sachant que j’ai écrit certains de mes romans en quelques mois à peine !), mais produire un texte d’une nature aussi technique et ambitieuse nécessite du temps, de la patience, des tâtonnements, et une constante remise en cause éditoriale.
Au fil des pages, j’ai du reste progressivement resserré le contenu du livre (qui à ce jour est presque achevé) dans l’unique but de le rendre plus digeste et plus efficace.
En attendant une parution traditionnelle, je me suis dit qu’il serait intéressant de partager une partie du texte sur le site, sous forme d’articles de blog. Ce procédé me semble proposer plusieurs avantages : il offre des informations de qualité aux musiciens ayant envie de progresser et de découvrir une nouvelle approche harmonique ; il prolonge l’esprit de l’Internet originel (que les musiciens de ma génération ont connu) basé sur le partage et la gratuité (même si la gratuité totale est évidemment un leurre).
Mais le principal intérêt que je vise est ailleurs.
J’ai été très étonné d’apprendre que les éditeurs de jeux vidéo ne sortaient plus leurs produits, surtout les plus populaires et les plus vendeurs, en une seule fois. Au contraire, ils publient progressivement un contenu sélectif dont ils font profiter en priorité des joueurs ayant accepté d’être des cobayes, des « bêta-testeurs ». Cette façon de procéder, apparemment contre-productive (le contraire, par exemple, d’un blockbuster cinématographique disponible sur tous les écrans du monde simultanément), est en fait très intelligente. En effet, un jeu — en particulier s’il est très riche et propose de nombreux tableaux/mondes — sera nécessairement truffé de bugs en tous genres. C’est un impondérable : les éditeurs auront beau essayer de passer leur logiciel et leurs lignes de codes au crible, il restera toujours des erreurs cachées… et c’est là précisément que les bêta-joueurs entrent en scène. En explorant le jeu de fond en comble, en suggérant des modifications et en acceptant de faire remonter les problèmes rencontrés au cours de leurs parties, ces crash-testeurs améliorent la qualité finale du produit, alors qu’il n’est pas encore achevé ni pleinement commercialisé.
En y réfléchissant bien, j’ai trouvé cette idée brillante, et j’ai pensé qu’une méthode d’harmonie écrite en partie sous cette forme gagnerait à tous les niveaux. Elle permettrait de décoquiller le texte et les figures musicales au maximum (les fautes étant, tous les auteurs le savent, malheureusement inévitables), mais surtout d’éclaircir certains passages et de rendre l’ensemble le plus intelligible possible.
J’invite donc tous mes collègues, tous les musiciens, tous les curieux à s’approprier la bêta-publication des Bases de l’harmonisation. Leurs remarques et commentaires bienveillants sont les bienvenus. Les lecteurs les plus assidus et les plus pertinents se verront associer au processus final d’impression et apparaîtront dans la section « remerciements » de l’édition papier.
Bonne lecture et bonne musique,
Étienne Guéreau